25.
Hudson hocha la tête.
— J’ai gardé les missions à l’étranger pour la fin. Je n’admettrai aucune discussion ni aucune protestation concernant ces déplacements. Le contexte opérationnel est déjà suffisamment confus pour que nous nous dispensions de toute confusion. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles nous allons gagner cette guerre.
Le colonel Hudson marcha jusqu’à une longue table en bois. Il commença à distribuer d’épaisses enveloppes à l’aspect très officiel. Une étiquette blanche était collée sur chacune d’elles.
Elles contenaient des faux passeports américains et des visas, des billets d’avion de première classe et une généreuse somme d’argent pour les frais ; ainsi que des cartes topographiques détaillées reprenant les informations revues pendant le briefing. C’était dans les détails que résidait le génie.
— Cassio ira à Zurich, annonça Hudson. Stemkowsky et Cohen se rendront respectivement en Israël et en Iran… Skully ira à Paris, Harold Freedman à Londres, puis à Toronto. Jimmy Holm à Tokyo. Vie Fahey à Belfast. Le reste d’entre nous ne bouge pas de New York.
Des grognements de collégiens se firent entendre. Hudson les réduisit au silence d’un geste sec.
— Messieurs, je ne répéterai pas ce que je m’apprête à vous dire ; il vous faudra donc vous en souvenir… Quand vous vous trouverez en Europe, en Asie, en Amérique latine, il est absolument essentiel que vous vous conformiez scrupuleusement au comportement et au look vestimentaire que nous avons spécialement conçus pour vous. Tous vos déplacements se feront en première classe. Tout l’argent qui vous a été remis pour les restaurants et l’achat de vêtements est censé être intégralement dépensé. Dépensez cet argent. Dépensez-le sans compter. Montrez-vous plus déraisonnables que vous ne l’avez jamais été dans toute votre vie. Amusez-vous – si, compte tenu des circonstances, vous y parvenez. C’est un ordre ! (Hudson se détendit.) Pendant les prochains jours, vous devez vous mettre dans la peau d’hommes d’affaires américains prospères et sûrs d’eux. Vous devez imiter les gens que nous avons observés à Wall Street depuis un an. Pensez comme un homme de Wall Street, ressemblez à un homme de Wall Street, conduisez-vous comme un influent cadre de Wall Street. Tout à l’heure, on vous fera des coupes de cheveux d’hommes d’affaires, on vous rasera et, croyez-le ou non, vous aurez droit à une manucure. Votre garde-robe a aussi été soigneusement choisie pour vous chez Brooks Brothers et Paul Stuart – vos boutiques préférées, messieurs. Vos chemises et vos cravates viennent de chez Turnbull & Asser. Vos portefeuilles sont de la marque Dunhill et contiennent des cartes de crédit et une copieuse somme en espèces dans les devises dont vous aurez besoin dans les pays respectifs où vous voyagerez.
Le colonel Hudson s’interrompit. Il promena lentement son regard dans la pièce.
— Il me semble avoir dit tout ce que j’avais à vous dire… À l’exception d’une chose importante… Je vous souhaite du fond du cœur bonne chance à tous. Pour la suite. Et pour les années qui vous restent à vivre. Je crois en vous. Croyez en vous-mêmes.